Parfois, un proche fragilisé par l’âge, la maladie ou le handicap fait preuve de comportements déroutants, voire bouleversants : agitation, agressivité, repli sur soi… Ces changements d’attitude envers vous ne relèvent pas d’une attaque personnelle : ils sont souvent le reflet d’une souffrance ou d’un trouble sous-jacent. Pour préserver l’équilibre de chacun, il est essentiel de mieux les comprendre… et de savoir y répondre.
1. Agitation : quand le corps exprime une détresse intérieure
L’agitation se manifeste par des gestes répétitifs ou brusques, des déambulations incessantes, une grande nervosité. Ces attitudes sont souvent le signe que la personne ne se sent pas en sécurité dans son environnement ou dans son corps.
Origines possibles
- Perte de repères spatio-temporels
Une personne atteinte de troubles cognitifs peut ne plus savoir où elle se trouve, quelle est l’heure de la journée, ou qui sont les personnes qui l’entourent. Cette désorientation génère un sentiment d’insécurité qui se manifeste par une agitation continue. - Inconfort physique non exprimé
La douleur, la faim, la soif, un besoin d’aller aux toilettes ou un vêtement trop serré peuvent être difficiles à verbaliser, surtout en cas de troubles du langage. Le corps cherche alors à exprimer ce qui ne peut plus être verbalisé. - Anxiété ou frustration face à la perte d’autonomie
Ne plus pouvoir faire seul ce que l’on faisait auparavant est source d’angoisse. L’agitation devient alors une manière de canaliser l’émotion ou de tenter de reprendre un semblant de contrôle.
Pistes pour réagir avec douceur
- Créer un environnement structuré et sécurisant
Il est possible de rassurer la personne en installant une routine claire dans la journée, en limitant les sources de stress (bruit, foule, désordre…) et en prévoyant des repères visuels (horloge, calendrier, étiquettes…). - Se montrer apaisant
Adopter un ton de voix posé, s’accroupir pour être à la hauteur du regard, poser une main doucement sur l’épaule si cela est accepté, sont autant de signaux susceptibles de calmer la personne. - Impliquer la personne dans de petites activités valorisantes
Même en cas de capacités réduites, le simple fait de plier du linge, d’arroser une plante ou de trier des objets peut donner un sentiment d’utilité et canaliser l’énergie.
2. Agressivité : un appel à l’aide maladroit
L’agressivité est sans doute l’un des comportements les plus difficiles à vivre pour un aidant. Elle peut être verbale ou physique, survenir brusquement, et laisse souvent l’aidant blessé ou impuissant. Mais cette agressivité cache souvent un profond mal-être.
Origines possibles
- Incompréhension de la situation ou de vos intentions
Lorsque la personne ne comprend pas ce que vous faites ou ce que vous attendez d’elle, elle peut se sentir envahie, menacée, et réagir de manière défensive. - Frustration liée à la perte d’autonomie
Être assisté pour des gestes du quotidien qu’on accomplissait seul auparavant est souvent vécu comme humiliant. L’agressivité devient alors une manière d’exprimer cette frustration. - Sentiment d’intrusion dans l’intimité
Certains moments, comme la toilette ou l’habillage, touchent à la pudeur. Si la personne perçoit ces gestes comme brusques ou mal préparés, elle peut se sentir agressée.
Pistes pour apaiser les tensions
- Désamorcer le conflit sans s’emporter
Il est essentiel de rester calme, même si cela est difficile. Ne répondez pas sur le même ton. Respirez, éloignez-vous quelques minutes si besoin, et revenez dans une posture apaisée. - Changer de sujet ou d’activité pour détourner l’attention
Si une tâche génère de l’agitation ou de la colère, proposez autre chose. Par exemple : « On fera ça plus tard, viens, on regarde des photos ensemble. » - Prévenir et respecter le besoin d’intimité
Annoncez toujours vos gestes, expliquez ce que vous allez faire et pourquoi. Par exemple : « Je vais t’aider à mettre ton pull, d’accord ? » Cela permet de redonner une sensation de contrôle à la personne.
3. Apathie : quand l’élan vital s’éteint
L’apathie est souvent confondue avec de la paresse ou du désintérêt pour la vie. En réalité, elle traduit une fatigue psychique ou physique intense.
Origines possibles
- Fatigue chronique ou douleurs non exprimées
Une personne qui souffre ou qui ne dort pas bien peut perdre l’envie de se lever, de parler ou de participer. - Isolement émotionnel ou dépression
Le sentiment d’être seul, inutile ou de devenir un fardeau peut conduire à un repli sur soi. Ce mutisme est une forme de protection. - Altérations neurologiques (maladies neurodégénératives, AVC)
Certains troubles affectent les circuits de la motivation dans le cerveau. Ce n’est donc pas un choix, mais une incapacité réelle à agir ou réagir.
Pistes pour recréer du lien
- Proposer des activités simples, sans pression
Une promenade de cinq minutes, une chanson écoutée ensemble, un petit jeu… L’objectif n’est pas la performance mais le plaisir partagé. - Célébrer les petits signes de présence ou de réaction
Un regard, un mot, un sourire, même furtifs, sont des signes d’ouverture. Valorisez-les, montrez qu’ils vous touchent. - Favoriser l’éveil émotionnel par les souvenirs
Feuilleter un album photo, écouter une musique aimée, évoquer des souvenirs heureux sont autant d’activités capables de raviver l’envie d’échanger.
La communication non violente (CNV), un outil précieux au quotidien
La communication non violente, développée par Marshall Rosenberg, aide à créer un lien respectueux même en situation de tension. Elle se fonde sur quatre étapes clés :
- Observer sans juger
Décrivez ce que vous voyez ou entendez, sans interprétation. Par exemple : « J’ai remarqué que tu cries quand je t’aide à t’habiller » plutôt que « Tu es toujours en colère ». - Exprimer votre ressenti avec authenticité
Dites ce que vous ressentez face à la situation, en parlant à la première personne : « Je me sens triste et impuissant quand cela arrive. » - Identifier votre besoin profond
Derrière chaque émotion, il y a un besoin non comblé. Exprimez-le clairement : « J’ai besoin de calme pour que tout se passe sereinement entre nous. » - Faire une demande concrète et bienveillante
Terminez par une demande précise et réalisable : « Est-ce qu’on peut faire une pause et essayer de nouveau dans quelques minutes ? »
Même si la personne aidée ne peut pas toujours répondre verbalement, cette posture calme, respectueuse et empathique crée un climat de confiance. Votre ton, votre regard, votre attitude comptent autant que vos mots.
Prenez soin de vous aussi
Être aidant exige de savoir reconnaître ses limites. Les comportements difficiles de votre proche peuvent vous épuiser.
- Reconnaissez vos émotions sans culpabiliser. Vous avez le droit d’être en colère, triste ou fatigué. Cela ne fait pas de vous un mauvais aidant, au contraire, cela montre que vous êtes profondément impliqué.
- Accordez-vous des pauses, même courtes. Un moment seul pour respirer, une promenade, une musique relaxante… Ces instants sont nécessaires pour recharger vos batteries.
- Cherchez du soutien. Groupes de parole, entourage, professionnels de santé, associations… Il est essentiel de ne pas rester seul.
Rappelez-vous : un comportement difficile est souvent un signal. En y répondant avec écoute et compassion, vous contribuez à apaiser non seulement votre proche, mais aussi vous-même.